- CRITIQUE DRAMATIQUE
- CRITIQUE DRAMATIQUECRITIQUE DRAMATIQUELa soirée théâtrale où une compagnie dramatique, ou un théâtre, invite les critiques professionnels à assister à la première représentation privée est nommée la «générale». Le jour précédent, c’était la «couturière», le suivant sera la «première».De cette visite des critiques, si difficile à obtenir (les critiques doivent voir tant de spectacles, parfois le même jour!), les artistes et le directeur de la salle attendent soit une publicité pour l’œuvre, soit une réflexion sur le spectacle qui leur a été présenté. L’audience du journal fonde l’autorité de son critique attitré. Le Figaro et Le Monde , en une orchestration parfaite, s’opposent sur presque tous les points sauf sur un: ils s’adressent au public potentiel du théâtre à Paris. Est aussi très attendue la critique des hebdomadaires: le temps accordé à une réflexion supplémentaire semble autoriser davantage les opinions et les sentiments. La critique mensuelle présente une vision assez cohérente des spectacles, souvent en accord avec les options sociales de ce mensuel. Les émissions critiques sont rares à la radio ou à la télévision; celle qui a pour titre «Le Masque et la Plume» a été très suivie. Parmi les revues spécialisées, notons l’importance de Théâtre populaire et de Travail théâtral , deux publications qui, sous l’influence de Bernard Dort, ont développé une réflexion sur le théâtre où l’expérience de Vilar, l’influence de Brecht et du Berliner Ensemble ont eu une part importante.La critique a ses codes, ses principes, ses modes, ses factions, ses divisions; on la rend souvent responsable de tout: pourtant, certaines carrières théâtrales se font sans elle et elle ne suffit pas à assurer la survie de tel spectacle qu’elle avait vanté. Le développement des troupes subventionnées et de l’aide accordée par l’État a donné à la critique une influence nouvelle en se faisant parfois entendre au profit des uns ou des autres. Mais la critique «brillante» a perdu beaucoup de son audience. Certains critiques se sont présentés comme les gardiens du «bon théâtre». Depuis le XIXe siècle, après Francisque Sarcey, quelques autres ont donné leurs impressions sur les pièces, les acteurs, les réalisations. Le critique se présentait comme un spectateur moyen, doué d’un flair particulier lui permettant d’attirer le public; c’était une critique à l’italienne comme le théâtre du même nom, exemplaire et légère: les mots d’auteur fusaient des deux côtés de la rampe. On ne négligeait pas les anecdotes qui révélaient une complicité savante entre le théâtre et le monde. Cette critique dont on a encore des échos dans les villes de province pourvues d’un opéra tend à disparaître. La transformation capitale a suivi le passage de la création littéraire dramatique à la création scénique. De même, le public s’est multiplié en dehors des voies de la critique antérieure, ce qui a justifié une organisation différente des rapports entre théâtre et spectateurs. Il est vrai que la critique s’est récemment coupée en deux en poursuivant sur un autre mode: la polémique critique. Certains, pourtant, ont abandonné l’anecdote avec une volonté nouvelle d’informer et d’affirmer leur liberté d’esprit. La découverte de talents neufs est difficile. Ces dernières années, la grande presse a, avec un noble retard et un même entrain, porté aux nues ce qu’elle avait brûlé peu d’années auparavant: l’avant-garde des années 1950, le théâtre populaire, Brecht. L’activité critique, qui s’est affirmée depuis quelques années comme essentielle à l’activité créatrice dans d’autres domaines artistiques, semble éprouver des difficultés à se définir dans l’évolution du théâtre auquel elle appartient et dans celle du public, à l’éducation duquel elle est essentielle. Intérieure et extérieure au fait théâtral, son rôle, certes, est difficile.La compréhension remplace désormais chez les critiques la verve; c’est que le sérieux a remplacé l’humeur journalistique. La franchise ne leur fait pas défaut et l’endurance aux répétitions du métier est digne d’éloges. La critique est un jeu, une tentative de classement des œuvres. Les dix années écoulées ont plus secoué le théâtre que plusieurs générations de critiques. Alors qu’on revient partout à la cérémonie, on récuse au théâtre le rituel du critique. Mais qui donc oserait écrire, à l’intention de tous, public, critique et gens de théâtre, le traité essentiel du bon usage de la critique?
Encyclopédie Universelle. 2012.